Moly-Sabata
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Le destin de l’artiste Anne Dangar est intimement lié à une rencontre et à un terroir.
Cette femme est une artiste et une enseignante ayant passé la première partie de sa vie dans son pays natal, l’Australie. Pendant neuf ans, elle y est assistante et enseignante du peintre impressionniste John Ashton, avec Grace Crowley, amie artiste et première assistante du peintre.
À l’occasion d’un voyage en France, en 1928, elle découvre l’oeuvre Albert Gleizes qui lui fait forte impression. Lorsque ce dernier l’invite deux ans plus tard à le rejoindre dans une communauté dont il est le fondateur, elle ne tarde pas à quitter l’Australie et ce choix se révèle définitif.
L’oeuvre d’Albert Gleizes est polymorphe puisqu’il aborde la peinture avec un style impressioniste au début du siècle, et dès les années 1910, il s’inscrit dans le mouvement cubiste, dont il est un artiste fécond tant dans l‘élaboration théorique que dans la réalisation plastique. Ses oeuvres ont constitué des jalons importants dans l’existence de l’école cubiste de New York où il s’était alors établi, après avoir été réformé pendant la première guerre mondiale. À son retour en France, il décide avec son épouse Juliette Roche de vivre en Ardèche, dans une demeure familiale de cette dernière. Ce choix est déterminant puisqu’il s’accompagne de la fondation de la colonie d’artistes de Moly-Sabata, dans une bâtisse située de l'autre côté du Rhône, que le couple commence par louer dès 1927, puis qu'il acquiert en 1938.
Albert Gleizes fait école en transmettant ses principes fondamentaux de la peinture cubiste : Il en isole deux dits de translation et de rotation, propres à l’avènement du tableau-objet alliés à l’importance du rythme. La règle gleizienne influence plusieurs générations d’artistes de passage ou en résidence. Albert Gleizes est animé par une une spiritualité qui le conduit à se convertir au catholicisme et une certaine idée d’un retour à la terre à travers l’artisanat comme rempart à l’industrialisation croissante des modes de production.
Lorsque Albert Gleizes fait appel à Anne Dangar, elle a une pratique de peintre et d’enseignante mais à son arrivée à Moly-Sabata, elle laisse de côté ces techniques pour se consacrer presque exclusivement à la pratique de la poterie. Elle prend alors une place capitale au sein de la communauté en apprenant les techniques de la terre vernissée, de tradition locale, et en y appliquant les principes fondamentaux élaborés par Gleizes en peinture.
La transposition sur le matériau terre et les objets liés à l’usage rend l’expérience de Miss Dangar tout à fait unique en son genre. Elle s’inscrit dans la dynamique voulue par Albert Gleizes qui soutient d’autres initiatives de l’application de ses théories dans des médias variés. Ainsi, le tissage fait l’objet d’expérimentations par Lucie Deveyle puis plus tard par Gilka Beclu-Geoffray, dont le père musicien était arrivé dans la communauté alors qu’elle était enfant.
Anne Dangar fait à son tour école et trouve l’équilibre entre l’histoire de la terre vernissée locale, l’approche anglosaxonne du craft dont elle est aussi l’héritière et le cubisme spirituel.
Elle forme de nombreux.euse.s potier.ère.s de passage ou établi.e.s dans la région. On peut notamment citer Jacqueline Lerat, qui s’établit par la suite à la Borne, dans le Cher. Mais son influence s’étend bien au-delà de son atelier de Moly puisqu’elle maintient une correspondance avec Grace Crowley qui constitue, en Australie, un élément important de diffusion et de rayonnement des principes du cubisme d’Albert Gleizes. Alors que Miss Dangar décède en 1951, la relève de l’atelier de Moly-Sabata est assurée par le couple Libert puis par Geneviève de Cissey, en 1955. Celle-ci fréquente régulièrement l’atelier de Moly-Sabata et Anne Dangar entretient avec elle une correspondance par laquelle elle lui transmet l’enseignement d’Albert Gleizes. Geneviève de Cissey fut sa plus proche collaboratrice et élève, elle reprend les codes de la poterie d’Anne Dangar dans une logique propre à celle de l’art populaire et à une forme de respect des traditions cubistes et vernaculaires.
L’assimilation de ce langage formel cubiste et rustique a donné une continuité sur trois générations de potières puisque la fille-même de Geneviève de Cissey, Aguilberte Dalban a oeuvré en ce sens.
Merci à Pierre David et Joël Riff
Pour aller plus loin
Anne Dangar céramiste, le cubisme au quotidien, David Butcher, 2016, éditions Lienart
site de la Fondation Albert Gleizes - Moly-Sabata
site de la commune de Sablons
The destiny of the artist Anne Dangar is intimately linked to an encounter and a terroir.
This woman is an artist and a teacher who spent the first part of her life in her native country, Australia. For nine years, she was assistant and teacher to the impressionist painter John Ashton, with Grace Crowley, artist friend and first assistant to the painter.
During a trip to France in 1928, she discovers the work of Albert Gleizes and remains deeply impressed. When the latter invited her two years later to join him in a community he founded, she soon left Australia and this choice proved to be definitive.
Albert Gleizes' work is polymorphic, since he approached painting with an impressionist style at the beginning of the century, and from the 1910s onwards, he joined the Cubist movement, of which he was a fertile artist in both theoretical elaboration and plastic realisation. His works were important milestones in the existence of the Cubist school in New York, where he had settled after being reformed during the First World War. On his return to France, he decided with his wife Juliette Roche to live in Ardèche, in the latter's family home. This choice was decisive, as it was accompanied by the foundation of the Moly-Sabata artists' colony, in a building on the other side of the Rhône, which the couple first rented in 1927 and then acquired in 1938.
When Albert Gleizes called on Anne Dangar, she had a practice as a painter and teacher, but when she arrived in Moly-Sabata, she left these techniques aside to devote herself almost exclusively to the practice of pottery. She then takes a prominent place in the community by learning the techniques of glazed earthenware, of local tradition, and by applying the fundamental principles developed by Gleizes in painting.
The transposition to the clay material and objects related to its use makes Miss Dangar's experience quite unique. It is in line with the dynamics desired by Albert Gleizes, who supports other initiatives of the application of his theories in various media. Thus, weaving is the subject of experimentation by Lucie Deveyle and later by Gilka Beclu-Geoffray, whose musician father had arrived in the community when she was a child.
Anne Dangar is in her turn a school and finds the balance between the history of the local glazed earth, the Anglo-Saxon approach to the craft of which she is also the heiress, and spiritual cubism.
She trains many potters who are passing through or established in the region. One can notably quote Jean Tessier as well as Jacqueline Lerat, who later settled in La Borne, in the Cher. But her influence extends far beyond her studio in Moly, as she maintains a correspondence with Grace Crowley, who constitutes, in Australia, an important element in the diffusion and influence of the principles of Albert Gleizes' cubism. When Miss Dangar died in 1951, the Moly-Sabata workshop was taken over by the Libert couple and then by Geneviève de Cissey in 1955. Geneviève de Cissey regularly frequented the Moly-Sabata workshop and Anne Dangar maintained a correspondence with her in which she transmitted the teachings of Albert Gleizes. Geneviève de Cissey was her closest collaborator and pupil, she takes again the codes of the pottery of Anne Dangar in a logic proper to that of the popular art and to a form of respect of the cubist and vernacular traditions.
The assimilation of this formal cubist and rustic language gave continuity over three generations of potters since Geneviève de Cissey's daughter, Aguilberte Dalban, worked in this direction.