Topophilie

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Cet article est paru en français et en anglais dans la revue Profane n°7,  pour vous la procurer, c'est ici

Modestes objets d’art populaire destinés au jeu, les toupies que conserve l’artiste Nadia Pasquer sont devenues les éléments d’une recherche plus vaste mettant en lumière des liens invisibles entre les objets de sa collection et ceux issus de sa création artistique.

LES PASSIONNÉS ONT LEUR CHAMP LEXICAL.

Texte: Graziella Semerciyan

Photos: Audrey Corregan

Set design : Claude Néron

La collection de toupies de Nadia Pasquer est le fruit d’une accumulation sans début ni fin. Écho de la recherche artistique qu’elle mène depuis plus de vingt ans à travers des formes issues d’abord du lingam¹, en passant par les toupies et les polyèdres en terres enfumées, elle ne se souvient pas exactement quelle était sa première toupie. Certainement un cadeau, un geste amical. Au fil des années, elle en a reçu d’autres en guise de présents, elle en a trouvé aussi. Sans les chercher particulièrement, sans l’effort de celui qui collectionne pour l’exhaustivité ou par passion du modèle rare. «J’aime les formes en déséquilibre, couchées et finalement mises en mouvement», dit-elle.

Nadia Pasquer a une préférence pour les traditionnelles toupies en bois, qui sont souvent tournées. Il y a les toupies dont le mouvement est donné du bout des doigts ou celles qui supposent un geste ample des deux mains lorsque le manche est plus long; il y a les totons dont l’élan est suscité par une ficelle, mais les plus modernes ne sont pas encore entrées dans sa collection.

Ce qui est amusant justement, c’est que Nadia Pasquer ne se sent pas collectionneuse; seulement, par une analogie de formes et d’équilibres, elle révèle qu’elle a aussi accumulé des fils à plomb, des balanciers de pendules ainsi que des boussoles dont elle apprécie la rotation spontanée. Finalement, s’agit-il d’une collection de toupies ou le propos de cette collection est-il plus conceptuel que matériel ?

« Lorsqu’une toupie tourne, elle cherche l’équilibre puis, dans un frémissement, finit sa course et à l’instant qui précède sa chute, elle repart dans un contre-courant. »

Toutes les formes de l’équilibre sont mises en mouvement par les volumes en terres enfumées que Nadia Pasquer crée, chaque forme fait monde et s’accorde en constellation avec les autres. C’est précisément le cosmos et le mouvement des planètes que cet ensemble de toupies évoque à Nadia.

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La toupie, comme le tour de potier, confronte la terre-forme en mouvement et la terre-matière. Lorsqu’il est devant son tour, le potier procède au centrage qui fait de lui « un être enraciné retrouvant naturellement la vérité de sa matière, sa terre; un être aussi qui connaît la vertu du feu où règne l’esprit² ».

¹ Une pierre dressée, d’apparence phallique le plus souvent, représentant Shiva.

² Introduction de Mathilde Scalbert-Bellaigue et Bernadette Lhôte-Sulmont au Livre du Potier de Bernard Leach, Dessain et Tolra, 1973.

Graziella Semerciyan